Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Jean-Antoine Genolin [CI-11778] (de la branche des Pochy), fils de Joseph et de Andréanne Berrod, est né le 22 juillet 1732 aux Sanges (ferme de Montanges). Il est prêtre le 18 septembre 1756 [Dict. Rebord (voir aussi d'autres compléments)]. Il obtient la cure de Champfromier en 1764, suite à la démission de son prédécesseur (qui signe les actes jusqu'au 15 février). Le 28 février il officie pour ses trois premiers mariages, du même jour, avec pour identiques témoins les "honorables" Joseph et André Genolin, et autres Famy et Couderier, visiblement présents non pour les mariés mais pour son installation !
Il était très proche des habitants, les rencontrant jusque dans les champs, et payant de sa poche pour clore des procès. Il reçoit Mgr Biord, évêque de Genève, le 12 juin 1766, et l'on en détient le procès-verbal : 200 feux, 800 communiants, 1200 âmes, revenus de la cure (Maison presbytérale avec grange, jardin, chènevière, verger, journaux de terre au Moulin d'Enfer et autres lieux, parts de dîmes ramassées dans 3 granges, etc.). Les deux confréries du Rosaire et du Saint-Sacrement existent toujours. Comme pour son prédécesseur, ses notes nous renseignent sur la religion (couverture à neuf du clocher en 1765 et du côté bise de la nef en 1774, reconstruction du chœur en 1777, achat de bannière, de deux confessionnaux, missions de 1769 et de 1777, et consécration de l'église presque neuve sous le vocable de St-Martin le 15 juin 1779), les épidémies (têtes chauves en septembre 1773), les incendies (grange de la dîme et des 4 maisons voisines de Communal en 1778), etc. [Hist. de Champfromier, p. 107-114 (voir détails) et 230 et extraits des notes dans Debombourg, Champfromier, p. 32 et 38-46]. On lui doit le remarquable dénombrement de 1774 (223 maisons). A l'approche de la Révolution, les notes de Genolin insistent sur les conséquences de la météorologie [Voir compléments dans Hist. de Champfromier, p. 115-121].
Sa vie et son œuvre sont aussi élogieusement relatées en 5 pages qui lui furent consacrées dès 1835 par M. Depéry, vicaire général de Belley, dans son Histoire hagiologique. On trouvera ci-dessous quelques extraits.
"JEAN-ANTOINE GENOLIN, CONFESSEUR. Jean-Antoine Genolin naquit le 22 juillet 1702 à Montange en Michaille, alors du diocèse d'Annecy. Ses vertueux parents le confièrent tout jeune aux soins des Joséphistes qui tenaient le collège de Nantua, établissement florissant à cette époque, et qui jouissait encore d'une réputation méritée quand la révolution de 1792 vint en chasser les religieux auxquels on ne devait pourtant que de la reconnaissance. De Nantua, Genolin alla continuer ses études à Dijon ; ses succès et ses vertus lui firent une réputation qui fut couronnée par le titre de docteur en droit et en théologie. De là il se rendit au séminaire d'Annecy où il passa deux ans, après lesquels il y fut ordonné prêtre. Le zèle et la prudence qu'il apporta dans les fonctions du sacerdoce pendant qu'il fut vicaire à Seyssel, le rendirent digne d'être appelé à la tête d'une paroisse. Ses supérieurs le nommèrent, le 21 février 1764, à celle de Champfromier, voisine de celle de Montange. Sans doute la Providence avait placé cet homme évangélique dans cette paroisse champêtre, pour y faire revivre le tableau de la société des chrétiens à la naissance de l'Evangile. Son premier soin fut d'ouvrir une école, où il enseignait lui-même les premiers éléments de la lecture et de l'écriture aux enfants. Tout en cultivant leur esprit, il formait leur cœur à la vertu ; ainsi il éleva une génération de pieux chrétiens, et la religion brilla en ce lieu de toute la gloire des premiers temps (...).
"Genolin était non-seulement le guide de sa paroisse, mais les villages d'alentour étaient aussi l'objet de sa sollicitude pastorale ; il apaisait les haines, terminait les procès en payant souvent lui-même ce que l'un des contendants prétendait lui être dû ; aussi sa fortune fut-elle réduite à un état tel que le plus malheureux n'eut plus rien à lui envier que ses vertus. Mais son ascendant croissait à proportion de ses sacrifices ; car l'homme n'est jamais plus grand que lorsqu'il est au-dessus de ses semblables uniquement par les qualités du cœur. Quoique la maison du curé de Champfromier fût comme celle d'un pauvre qui n'a que le pur nécessaire, il versait la consolation dans le sein de la veuve et de l'orphelin abandonné ; il adoucissait le sort du vieillard indigent et de l'artisan que la misère dévore souvent au fond de sa chaumière délabrée (...).
"Il allait dans la maison des plus riches, où il était reçu comme l'envoyé de Dieu qui venait chercher la part des pauvres que J.-C. a tant recommandés dans son Evangile. On exposait devant lui tout ce que les greniers recélaient de provisions, laissant à sa discrétion le soin de prélever la part qu'il destinait à l'indigence. Ce dépôt était mis en réserve dans une maison chrétienne ; ensuite il était distribué sous la direction du pasteur, selon l'état, les besoins, l'âge et les infirmités de ceux qui étaient dans l'infortune (...).
"Ce zélé pasteur ne se contentait pas de soulager les misères de l'indigent, il allait encore visiter le laboureur dans les champs que sa sueur arrose, et le bûcheron dans le silence des bois ; il donnait à tous des conseils de salut ; il leur adressait des paroles de consolation et de patience (...).
"A la fin du 18e siècle, il fallait que l'impiété triomphât pour voir cet homme proscrit : le 26 décembre 1790, Genolin et M. Pierre Collomb, son vicaire, prêtèrent le premier serment exigé des ecclésiastiques. On lit dans les registres de la paroisse de Champfromier, « qu'ils promirent de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui leur était confiée, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi. » Ce serment n'avait rien de mauvais en soi ; néanmoins la conscience délicate de Genolin en fut troublée, et il le rétracta. Dès le commencement de mars 1792, il fut inquiété à diverses reprises pour n'avoir pas voulu lire en chaire les mandements de M. Royer, évêque intrus du département de l'Ain ; il refusa hautement aussi de prêter le serment impie à la constitution civile du clergé. Dès-lors l'orage grossit de jour en jour, et il se vit forcé, au mois de septembre 1792, de quitter ses paroissiens qui pleurèrent son départ à l'égal d'un malheur public. Il se retira auprès de Mgr. Paget, évêque d'Annecy, qui avait préparé un asile aux prêtres persécutés ; mais les Français faisaient la conquête de la Savoie au pas de charge, Genolin comprit qu'il ne serait pas longtemps en sûreté dans ce lieu de retraite; il prit le parti de passer en Suisse, dans le canton de Fribourg, où il demeura jusqu'en 1795. A cette époque, le curé intrus de Champfromier ayant quitté cette paroisse, les habitants envoyèrent une forte députation à Genolin pour le prier de revenir au milieu d'eux. L'affection de ce saint pasteur pour son troupeau ne lui permit pas de calculer les dangers qu'il courrait « en revenant en France, où les échafauds étaient encore dressés pour les ecclésiastiques. L'industrieuse vigilance de ses paroissiens sut le dérober quelque temps aux recherches des ennemis de la religion ; à la fin, trahi par un autre Judas, Genolin fut pris par la gendarmerie dans la maison de François Humbert [au Chatey], dont le toit hospitalier était l'asile des prêtres. Au bruit de cette arrestation, hommes, femmes, enfans, tous les habitants se rassemblent, et leur dévoument à leur curé allait les porter à un excès pour le tirer des mains des sbires de la tyrannie. Le vénérable vieillard eut besoin de toute son autorité pour calmer cette population, dont la fureur allait éclater terrible comme la foudre. Cette obéissance fut suivie de gémissements et de sanglots quand la force brutale sépara le pasteur du troupeau. Genolin fut conduit à Bourg et enfermé au monastère de Brou qui avait été transformé en prison. Les mauvais traitements qu'il avait essuyés augmentèrent les infirmités dont il était accablé, et le généreux confesseur de la foi mourut au mois de septembre 1795, à la vue de ses geôliers qu'il bénissait, et dont l'humanité se réveilla pour admirer sa foi et la douce sérénité qui brillait sur son visage au moment où il rendit son âme à Dieu. Sa mémoire sera longtemps en bénédiction parmi les habitants de la Michaille, tandis que celle de ses persécuteurs y sera dans l'opprobre et le mépris. Tel est déjà, dès ici-bas, le partage de la vertu et du vice."
Voir quelques compléments dans la liste des prêtres de Champfromier.
Publication Ghislain Lancel. Source : M. Depéry, vicaire général de Belley, Histoire hagiologique de Belley, t. 2, pp. 388-393 (1835).
Première parution le 30 septembre 2020. Dernière mise à jour de cette page, idem.